Au cœur de tous ces gens
Qui attendent toujours,
Qui attendent leur tour
Pour se passer devant…
Y’avait un corbillard
Au coin d’la rue d’la Chance,
Et y’avait le croqu’mort
Qui s’mourait d’impatience,
Et surtout y’avait l’mort
Qui trouvait ça bizarre
D’aller les pieds devant
Sans avancer vraiment.
Accroché dans les nues
Près du Saint-Vestibule,
Saint Pierre, prévenu,
Regardait sa pendule,
Travailler après l’heure,
Ca coupe bien des ailes,
Les anges contrôleurs
Pourraient manquer de zèle.
C’était six heures du soir,
Au plus fort d’la cohue,
Un conducteur en noir
S’énervait tant et plus…
Des passants sans espoir
Suivirent le cortège
Sans chercher à savoir
Où menait ce manège,
Happés par la fumée
Des pots d’échappement,
Pas moyen d’séchapper,
C’est pas de pot, vraiment !
Le temps s’éternisant
Sur ce triste cortège,
Très intelligemment,
Dieu s’offrit un miracle.
Quand du mort il eut marre,
Il le remit sur pied,
Là s’arrête l’histoire :
Il se fit écraser.
Au cœur de tous ces gens
Qui attendent toujours,
Qui attendent leur tour
Pour se passer devant…
1967 - ISCW : T-702.112.733.5
Album “Un instant d'éternité”